Bernard Rappaz a perdu. Après 120 jours de grève de la faim -il ne prenait que du sucre, du sel et des vitamines- le héraut suisse de la dépénalisation du cannabis, incarcéré pour avoir cultivé et vendu illégalement du chanvre, a recommencé à se nourrir.
Tous ses recours en Suisse pour être gracié ou pour obtenir une interruption de peine pour raison de santé ont échoué. La presse locale commençait à craindre qu’il ne tombe dans le coma.
Les détracteurs de Rappaz jubilent : « La fermeté paie ! C’est la leçon du jour et le Valais a bien fait de tenir bon », s’est félicité Jean-Luc Addor, chef du groupe UDC (droite nationaliste populiste) au parlement valaisan.
Pour justifier la décision de son client, Me Aba Neeman a expliqué qu’il s’était conformé à plusieurs appels :
« Rappaz respecte le jugement du président de la Cour européenne des droits de l’homme, qui lui demande de s’alimenter en attendant de pouvoir statuer sur son cas. Il a entendu l’appel, parce qu’il ne vient pas d’une autorité suisse. Il a aussi entendu les appels de sa fille et de ses proches. »
Pour sa part, Rappaz a publié un communiqué féroce : « La Suisse a désormais basculé dans l’extrême droite populiste et le fascisme. »
Valaisan de 54 ans, Bernard Rappaz cultivait du chanvre depuis 1971. En 1993, il a décidé de le vendre sous forme de tisane. Les autorités n’ont pas apprécié, et Rappaz a été poursuivi.
Au terme d’une longue bataille judiciaire et médiatique, il a été reconnu coupable par le tribunal cantonal valaisan de « lésions corporelles simples, gestion déloyale aggravée, blanchiment d’argent, violation grave des règles de la circulation routière, violation grave de la loi fédérale sur les stupéfiants et violation de diverses lois d’assurance sociale », pas moins. Condamné en 2008 à cinq ans et huit mois de réclusion, cet agriculteur bio valaisan, cultivateur de chanvre, réclamait la révision de son procès.
Dans un état critique après quatre mois de jeûne, «il a décidé de suivre l’injonction de la Cour européenne des droits de l’homme», expliquait son avocat. Le 20 décembre, le rejet par la Cour européenne d’une demande de libération avait épuisé toutes les voies de recours, un mois après le refus par les juges helvétiques d’une demande de grâce.
Depuis, le comité de soutien de Bernard Rappaz redoutait sa mort en prison. Ce dernier s’est dit «soulagé» de mettre fin à son action.