Est-ce la paresse politique et le manque d’intérêt qui permettent à cette grotesque bévue de perdurer ?
Par Peter Cohen, a l’occasion de la Conference sur La Culture de Cannabis dans les Pays Bas en 2007.
« Le sujet que je souhaiterais aborder aujourd’hui est la culture de l’interdit du cannabis. Mon but principal n’est pas tant d’explorer d’où vient cette culture que d’explorer les raisons de sa persistance. L’interdit, apparu il y a longtemps en marge des consultations sur l’opium dans le cadre de la Ligue des Nations dans les années 1920, s’est maintenu depuis, en dépit de hauts et de bas dans les domaines culturels ou économiques.
Mon intention initiale était de rendre compte en détail de ces délibérations menées à Genève. Mais j’ai finalement décidé qu’elles n’avaient plus d’importance. Ce qui importe est que l’interdit est toujours en vigueur, et il faut reconnaître qu’il permet d’atteindre certains objectifs. Je vais donc m’efforcer de définir ces objectifs. Mon but principal n’est pas de répondre aux questions relatives aux dangers supposés de l’utilisation du cannabis. Il est clair que ces dangers peuvent ne pas être les mêmes en Grèce, en Suède ou en Belgique, et ils peuvent avoir changé de diverses manières dans chaque pays ou culture politique entre 1936 et 2007. Je reviendrai sur les soi-disant dangers du cannabis dans un instant, pour indiquer ce que certains des chercheurs que j’ai consultés en Suède, en France et au Royaume-Uni m’ont dit de la manière dont ces dangers sont définis dans leur propre pays.
Mais comme je l’ai dit, décrire ces dangers et les réfuter n’est pas mon objectif principal aujourd’hui. Ce que je veux faire ici est décrire de manière générale la fonction principale de l’interdit du cannabis, quelle que soit la zone géographique, ostensiblement justifié en invoquant une version des dangers en vogue à un moment particulier.
Laissez-moi expliquer d’abord que j’utilise la phrase « la culture de l’interdit du cannabis » en référence à un ensemble d’histoires à propos des démons du cannabis, considérées comme vraies, qu’il n’est pas permis de tester sérieusement pour vérifier leur validité, qui se transmettent et se répètent dans les divers systèmes et structures politiques que nous avons dans le monde, et qui culminent partout dans une forme d’application active de l’interdit du cannabis.
Dans ce processus, les histoires se mêlent de différentes manières, selon des développements historiques complexes dans les divers systèmes politiques. L’exposé de Tim Boekhout van Solinge, « Dealing with drugs in Europe », l’a démontré de manière convaincante pour la Suède, la France et les Pays-Bas.
Jerome Himmelstein a fait une autre observation fascinante à propos de la nature de ces histoires concernant les dangers du cannabis. Dans son article fameux, « From killer-weed to drop-out drug », il décrit la période assez courte pendant laquelle l’interdit du cannabis a été en vigueur aux Etats-Unis, et discute les arguments utilisés pour le justifier. Tandis que pendant les premières années de l’interdit, les années 1930, les Américains accusaient le cannabis d’être facteur de violence, de viol et de perversion sexuelle, dans les années 1960 il était défini comme l’un des fondements de la rébellion culturelle de qui a lieu à l’époque. A cette époque il était identifié comme la cause principale de l’« abandon », le manque d’enthousiasme pour la culture américaine dominante de la consommation.En d’autres termes, Himmelstein montre qu’en l’espace de quelques décennies, les raisons sociales et scientifiques de l’interdit invoquées par les Etats-Unis ont complètement changé. Ces changements me paraissent intéressants pour leur rapport avec mon sujet d’aujourd’hui, la survivance de la culture de l’interdit.
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